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| Sujet: Re: Parce qu'avec un crayon et une feuille, on peut faire des trucs. Sam 4 Oct - 1:36 | |
| Côté écriture (mon domaine préféré <3) - Le garçon qui marchait sous la pluie:
J'ai écris en écoutant https://www.youtube.com/watch?v=vY5MBRnzl04 et https://www.youtube.com/watch?v=8mOqIlaWGgwIl marche, sous la pluie, seul, perdu. Les yeux dans le vague, son sac de cours sur l'épaule, musique dans les oreilles, il savoure la solitude et le goût amer qu'elle laisse sur sa langue. Il est comme tous les jeunes de son âge, incertain, un peu bancal, il essaye avec la réserve de ses expériences passées et l'innocence qu'il lui reste de son enfance, pas si lointaine au fond. C'est un type bien, juste un peu flippé, qui n'ose pas s'engager, un peu chamboulé. Trop de choses qui tombent sur ses frêles épaules en trop peu de temps. Il s'endurcit, il apprend de ses erreurs et fait son possible pour ne pas les commettre à nouveau, il essaie juste de se prouver à lui-même qu'il n'est pas condamné. Il cherche le bonheur sous chaque pierre, sur chaque route, dans chaque regard, il cherche cet éclat éphémère pour le saisir au vol avant qu'il ne s'éteigne. Bien trop longtemps, il a avancé seul, jugé coupable de sa simple existence, accusé à tort aux profits de l'ego d'êtres aveuglés par la pourriture de ce bas-monde. Alors, il s'est mit à vaciller, à moins d'un pas du vide, chutant parfois, souvent, se rattrapant du mieux qu'il pouvait, usant de ses forces pour remonter et reprendre sa route. Chaque fois plus meurtri, chaque fois moins confiant, chaque fois plus hésitant. Il a perdu confiance en l'Humanité, perdu confiance en cette société qui se permet de nous juger sans jamais avoir appris à nous connaître, qui nous prend de haut et nous colle à perpétuité, comme si nous n'étions rien d'autre que des criminels. Criminels à la recherche du bonheur, apprentis repentis à la recherche du pardon. Il est de ceux-là, de ceux que la vie a trop brusqué dés le début, de ceux qui ont du apprendre à avancer par leurs propres moyens sans compter sur personne d'autre qu'eux-mêmes. Il est de ceux-là, mis de côté avant même d'avoir appris comment subsister, de ceux qui ont du se démener pour garder la tête hors de l'eau. Il est de ceux-là, de ces oisillons tombés du nid que personne n'a pris la peine de secourir, de ceux qui se sont écroulés et n'ont plus la force d'user de leurs ailes abîmées. Ce garçon, qui avance sous sa pluie, avec son passé, ses remords et ses regrets pour seuls compagnons de route, a croisé la mienne un jour de décembre, sous un abri-bus, ou bien le coin d'un boulevard, ou peut-être une rue déserte. Dans le froid, les mots de deux inconnus écorchés par les épreuves se sont rencontrés, apprivoisés, échangés, évités, rapprochés. Les rires ont retentis, hésitants, coupables de résonner dans le silence. Le bonheur flottait, là, partout, tout autour, encerclant les deux débris délaissés par leurs pairs que nous étions. Il s'est frayé un chemin dans nos veines, jusqu'à notre cœur, à petites doses, légères, discrètes, silencieuses mais bien présentes. Il me rapportait l'adage de ses aînés, et je lui parlais des satires de mes pairs. Nous discutions de ce monde qui s'écroule sur ses propres fondations, de ces lois qui n'ont plus aucun sens, de ces gens aveuglés par l'argent, de cette société qui vole la joie et l'espoir de chacun, à croire que notre cœur n'est que leur monnaie d'échange, sujet d'un trafic malsain mais légal. Nous dansions, seuls, dans l'air glacial que nous réchauffions de notre simple présence, de nos sentiments, à peine nés et pourtant plus sincères que des millions d'autres. Des années de silence se brisaient entre nous, éclataient pour enfin libérer ce qu'elles avaient à cacher, nous devenions des intimes, des essentiels, sans jamais pouvoir nous l'expliquer. Nous étions tout, et rien à la fois. L'amour et la haine, la confiance et la trahison, l'oublie et la découverte, le mensonge et la franchise, la perte et l'obtention, la sagesse et la rébellion, le secret et tous ces mots que nous nous murmurions, sans que personne d'autre ne les entende jamais. Nous étions tel deux miroirs, face à face, dont le reflet se répète à l'infini, incapables de nous détourner l'un de l'autre, ne serait-ce que d'un infime millimètre. Nous étions ainsi, assujettis l'un à l'autre, sans jamais pouvoir s'en défaire, qu'importe si un jour tout s'en allait, nos souffles seraient encore mêlés dans le froid de chaque hiver qui passerait. C'était comme prémédité, comme écrit quelque part, gravé dans le marbre. Il ne pouvait pas en être autrement, il n'y avait pas d'autre voie possible. C'était inéluctable, il était contraint d'être ma force et moi une parcelle de la sienne, lui mon bonheur et moi quelques uns de ses sourires. Nous étions pris dans les bras du Destin, qu'importe ce que nous pensions de lui, il nous a unis sans nous demander notre avis, pour chambouler un peu plus notre vie. Il nous a poussés l'un vers l'autre et nous a astreints à nous aimer, d'amour ou d'amitié, qu'importe, tant que nous étions alliés. Prisonniers d'un coin de paradis que nous avions si souvent fuis, enchaînés à une parcelle de bonheur à laquelle nous raccrocher, forcés de se chercher en craignant de s'oublier. C'est ainsi que le garçon condamné qui marchait sous la pluie pour se repentir de son crime d'exister trouva sa complice, auprès d'une jeune fille apeurée qui craignait d'être abandonnée.
- La dame aux pissenlits:
Nous venions souvent ici, enfants. Nous nous amusions sur les balançoires ou le tourniquet, nous étions inconnus les uns des autres, mais chaque samedi nous nous retrouvions toujours dans ce parc. Même plus grands, lorsque nous entrâmes au lycée, nous ne délaissâmes pour autant pas cet endroit où nous venions après la fin des cours, discuter, échanger, prévoir nos prochaines vacances. Fumer, et nous embrasser, aussi, parfois, quand les colombes de l'amour avait joué leur rôle au sein de notre groupe.
Nous étions six, trois filles, trois garçons. Il y avait Emma, la timide, toujours plongée dans ses livres ; Laura, l'excentrique, la rebelle, toujours en jogging, sur son skate ; Léo, le séducteur taciturne qui avait tout du beau brun ténébreux ; Alex, le je-m’en-foutiste de la bande, l'humoriste et ses plaisanteries salaces ; Conrad, le bagarreur, l'impulsif au sang chaud ; et moi, Alice, accro à la musique, à la danse, et au vernis à ongles. Nous semblions n'avoir rien en commun pour nous rassembler, et pourtant nous étions les meilleurs amis du monde, indissociables les uns des autres. Notre amitié durait depuis si longtemps qu'elle en était devenue évidente, nous ne cherchions plus à la comprendre.
Au fond, nous aurions même pu dire que nous étions sept. Il y avait cette vieille femme, tous les samedis, assise sur cette chaise en métal au milieu du parc. La soixantaine, un peu ronde, elle adorait les chats, et son châle violet. Lorsque nous n'avions que huit ans, elle nous distribuait des bonbons ; lorsque nous en avions quinze, elle nous réprimandait sur les cigarettes que nous tenions en main, se plaignait de la jeunesse de nos jours, mais retrouvait bien vite le sourire. Elle était drôle, fascinante aussi, lorsqu'elle nous racontait ses jeunes années. Elle était un peu nostalgique, mais disait ne rien regretter. Elle était un modèle pour nous, enfants, puis adolescents pour qui le monde et l'univers étaient encore d'infinis mystères.
Elle nous contait le temps où les gamins ne s'amusaient que de cailloux et de bâtons, s'émerveillaient devant la pluie et les arcs-en-ciel, chantaient des airs montagnards en se rendant à l'école. Elle nous parlait de ces bonnes manières qui leurs étaient inculquées autrefois, de ces valeurs qui se perdaient avec le temps. Elle nous décrivait le champ de pissenlits derrière sa maison de jeunesse, et dont elle adorait la couleur jaune qui s'étendait à perte de vue au printemps. Elle nous montrait des photos de ses enfants, et de ses petits enfants. La pauvre ne les voyait plus, ses filles avaient rompu tout contact. Mais elle nous disait que nous étions un peu cette chaleur qui lui manquait, nous étions tous ses petits enfants, qu'elle avait vu grandir chaque samedi pendant pas moins de dix ans.
La veuve illuminait nos journées, elle était notre confidente, notre guide, notre ange gardien. Elle était les bras dans lesquels nous pouvions nous réfugier, le pilier sur lequel nous pouvions nous appuyer, elle nous faisait rêver de part ses récits qu'elle savait si bien raconter. Elle semblait immortelle, figée dans le temps, toujours à sa place que personne n'osait lui voler. Elle était aimée et respectée de certains, ignorée et oubliée d'autres. Mais elle était un peu notre grand-mère à tous, nos rendez-vous étaient devenus un rituel inaltérable.
Et pourtant, un jour, elle ne vint pas. Nous l'avions attendue, assis par terre près de sa chaise, avec nos cigarettes à la bouche, jusqu'à être chassés par le gardien lors de la fermeture du parc. Nous faisions ça, chaque samedi, mais elle ne revint jamais. Nous avions fini par comprendre qu'elle ne reviendrait pas.
Alors, dans un accord silencieux, chacun s'était éloigné de la chaise, et avait ramassé chacune des plus belles fleurs de pissenlits qu'il trouvait. Ensuite, une par une, nous les avions glissées au travers du grillage de la chaise sur laquelle elle s'était assise, tous les samedis, pour nous voir grandir. Enfin, face à cette place jaune de fleurs nouvellement écloses, et sous le soleil couchant pour seul témoin, nous avions murmuré au vent un dernier adieu à cette vieille dame qui avait été notre éclat de bonheur durant tant d'années.
- Calice:
Calice. C'est cette fille au prénom original, et aux fringues indécents. C'est cette fille à la tignasse de flammes, que l'on aperçoit de loin, que l'on ne loupe jamais. Calice, c'est cette fille qui joue avec le feu, au sens propre. Elle allume son briquet et laisse la lueur orangée lui lécher les doigts sans faillir.
« Tu vas finir par te brûler. - Quand notre âme est déjà en cendres, quelle importance que le corps suive l'exemple ? »
Calice, Calice. Es-tu au moins consciente que tu te joues du danger en te jouant ainsi des règles ? Sais-tu qu'un jour on t'attrapera, visage caché et flingue à la main, en train de braquer une énième boutique des bas quartiers ? Sais-tu qu'un jour on te prendra, à te promener la nuit sur les trottoirs, presque en sous-vêtements et montée sur talons hauts en attendant la première voiture qui ralentira à côté de toi ?
« Si je reste avec toi, je finirais par mal tourner. Je suis désolé, mais moi, je veux d'un avenir. Et pas derrière les barreaux si possible. - Alors casse-toi. »
Calice. C'est cette fille qu'on n'oublie pas une fois qu'on l'a connue. C'est cette fille dont on retient le sourire et le regard, parce qu'ils défient le monde entier sans craintes. Calice, c'est cette fille qui conduit sans permis et se fout des limitations de vitesses, fenêtres ouvertes et cheveux au vent. Elle tourne la clé et roule sur la nationale, la nuit, échappant à tout radar et tout contrôle.
« Et un jour on se retrouvera sous des débris de fer et de verre, car tu auras conduit une fois de trop. - S'il n'y a que ça pour me sentir vivante, alors qu'importe. »
Calice, Calice. Es-tu au moins consciente qu'à cracher sur tous ceux qui t'aiment tu finiras seule et détestée ? Sais-tu qu'un jour on te retrouvera, écroulée au sol, à t'étouffer dans tes propres larmes quand tu comprendras tout ce que tu as perdu ? Sais-tu qu'un jour on t'achèvera, à coups de reproches et d'insultes, pour qu'enfin tu commettes l'irréparable et nous délaisses du poids que tu représentes ?
« Un jour t'en crèveras. - Si tu savais à quel point j'attends ce jour avec impatience. »
Calice. C'est cette fille dont on se souvient encore lorsque son nom résonne à nos oreilles. C'est cette fille que l'on a fait tomber alors qu'elle ne demandait qu'à vivre, au fond. Calice, c'est cette fille qui se mettait en danger pour tester ses limites et les dépasser. Elle criait au monde ses peines et ses douleurs, mais personne n'a jamais osé l'écouter.
« Ta gueule. - ... »
Calice, Calice. Tu étais prévenue, tu savais bien que la roue tournerait. Ils n'ont pas voulu entendre, mais toi tu n'as pas voulu toi. Tu as t'es détruite, rongée toi-même, tu as craché ta haine à l'Univers entier, parce que la Terre ne tournait pas comme tu l'entendais. Tu as perdu ce que tu aimais, et tu as fini par te perdre toi-même, au boulevard du non retour.
« ... - Adieu. »
Calice. C'est cette fille qu'on a finalement oubliée parce qu'on est mieux sans elle. C'est cette fille qui s'est effacée comme un trait de crayon sur une feuille, une erreur dans une dictée. Calice, c'est cette fille qui a du s'éteindre pour enfin briller, quelque part dans le ciel, loin de la vue de tous les autres. Elle vivait enfin, ailleurs qu'ici bas où elle n'avait été qu'un murmure qu'on avait laissé s'envoler.
« Je voulais juste qu'au moins une fois dans ma vie, on me regarde et me protège. »
- Ange et Papillon:
https://www.youtube.com/watch?v=4B2tKkg_2q8Il était une jeune fille, perdue, blessée, aux yeux éteins et aux ailes brisées ; une fille que l'on avait pas épargnée. Elle était une beauté ternie, un mirage du passé. On voyait encore parfois l'ombre d'un sourire d'antan se dessiner sur son visage, un instant trop fugace pour que l'on puisse affirmer avec une certitude infaillible qu'il avait vraiment existé. Elle ne savait plus où regarder, dans l'ombre qui l'entourait. Ils lui avaient jeté la pierre, comme si elle n'était qu'une sauvage, une étrangère et pas une de leurs pairs. Ils avaient si bien visé qu'ils l'avaient brisée en mille éclats, qui s'étaient alors fondus dans l'obscurité. Il était une jeune fille, perdue, blessée, aux yeux éteins et aux ailes brisées ; une fille que l'on avait pas épargnée. Elle avait l'ombre dans le regard mais des arcs-en-ciel dans le cœur, la solitude dans l'âme et un trop-plein d'amour qui la dévorait. Pour oublier, elle dansait dans le vent et sous la pluie, s'offrait à l'orage dés que les éclairs illuminaient son ciel bien trop gris pour si peu d'années, attendant simplement qu'on la remarque, elle, marginale effrayée par la simple idée de vivre. Elle était une adolescente qui cédait sous le poids des reproches, un papillon aux ailes abîmées, une rêveuse qui priait le grand amour de se montrer à ses yeux. Il était une jeune fille, perdue, blessée, aux yeux éteins et aux ailes brisées ; une fille que l'on avait pas épargnée. On lui offrit un sourire au détour d'un jour un peu plus gris que les précédents, elle y répondit en découvrant un coin de ciel bleu qui se dégageait à l'horizon. Elle croyait à une illusion, ou à quelque mensonge, fuyant et reculant face à ce sentiment oublié qui la submergeait. Elle apprit à l'apprivoiser, et bientôt elle apercevait la surface. Un rayon de soleil l'éclairait de nouveau, l'emplissant d'une douce chaleur comme elle n'en connaissait plus. Un regard, et son monde avait changé. Il n'y avait plus de centre de gravité, tout son univers ne tournait plus qu'autour d'un seul être, qui rythmait sa vie à quelques battements de cœur, quelques mots doux que l'ange lui murmurait. Il était une fille qui avait réappris à vivre et qui n'avait plus peur d'aimer, une fille amoureuse d'un ange qu'elle s'était juré de ne plus quitter, un ange providentiel qui l'avait tirée au sommet, qui l'avait logée dans la chaleur de ses bras et bercée à la mélodie de son amour. Ils sont deux cœurs qui apprennent à battre en chœur au delà des chaînes et des maux mal soignés. Il est un ange et un papillon, qui s'apprennent l'un à l'autre en oubliant le monde entier qui leur tourne le dos et maudit leur éternité promise.
- Kagerou Days:
« Eh bien, tu sais, j'ai une sorte de haine envers l'été. »
Tic tac. Chaleur étouffante, à peine midi et demi, au milieu du mois d'août. Nous étions sur les balançoires, sous les rayons du soleil qui ne nous laissait pas un instant de répit. Nous parlions. De quoi ? Je ne sais plus. Pourquoi je t'ai adressé la parole, à toi, belle inconnue ? Je ne sais plus. Peut-être que je n'avais simplement rien d'autre à faire. Il n'y a que cette phrase dont je me souviens. Tu détestais l'été, mais je n'ai jamais su pourquoi. Le chat allongé sur tes genoux que tu caressais ne m'a pas laissé le temps de te demander, il s'est enfuit, et toi, désireuse de toucher encore son pelage, tu t'es lancée à sa poursuite, en riant. Tu étais une enfant du solstice, ou plutôt une enfant de la nuit, et tu rayonnais comme un million d'astres réunis. Tu brillais, et j'étais ébloui, tant que je n'ai pas vu le camion qui arrivait alors que tu traversais. J'ai tendu la main, lorsque ton hurlement a retenti à mes oreilles, mais il était trop tard, l'odeur de ton sang était déjà omniprésent. Les yeux du chat après lequel tu courrais scintillaient, et une évidence m'a frappé. « Tout est réel. »
Tic tac, je venais de te perdre une première fois.
Tic tac. J'ai ouvert les yeux, j'étais dans mon lit. Nous étions toujours le quinze du mois d'août, et le réveil n'affichait pas encore midi. Il m'a fallut un moment pour comprendre, le cours du temps avait changé. On m'offrait une chance de te récupérer. Une chance de te sauver. Ou bien n'avais-tu jamais disparu ? Quoiqu'il en soit tu étais là, dans ce parc, à la même heure que la veille qui n'avait pas existé. Tu étais assise là, en train de caresser ce chat noir, ce chat de malheur. Je t'ai raconté mon étrange rêve, mais cette sale bête ne m'a jamais laissé finir. Il a sauté et s'est enfuit, et, alors que tu t'apprêtais à le poursuivre, je t'ai retenue par le poignet. Je me devais de te sauver, cette fois. « Pourquoi ne pas rentrer à la maison ? » Tu m'as suivi, mais, à peine étions-nous sortis du chemin, que des barres métalliques tombaient du ciel, faute à des chaînes trop fragiles qui avaient cédées. Elles t'ont transpercée, de pars en pars, et j'ai reçu de ta liqueur de vie sur les mains, alors que tu hurlais. Et pourtant, je suis sûre que tu souriais, allongée dans ton propre sang. Le chat était là, non loin, ses yeux scintillaient. A nouveau, l'évidence m'est arrivée en pleine face. « Cette chose est bien réelle. »
Tic tac, je venais de te perdre une seconde fois.
Tic tac. J'ai ouvert les yeux, j'étais dans mon lit. Nous étions toujours le quinze du mois d'août, et le réveil n'affichait pas encore midi. Avais-je donc une troisième chance ? Une troisième chance de te sauver du Destin qui se jouait un peu trop de nous ? Je me suis levé, et j'ai couru te rejoindre. Je ne t'ai rien dit, je t'ai attrapée alors que le chat nous observait de loin. Ni camion, ni barres métalliques, je t'ai entraînée avec moi dans les escaliers, tout en haut. Le chat était là, ses yeux ont scintillé, et ta main s'est échappée de la mienne, tu es tombée, tu as dévalé les marches, et ton corps démantelé s'est retrouvé au sol, baignant dans un liquide poisseux, bien des mètres plus bas. Ton cri résonnait encore à mes tympans, et l'évidence flottait devant mes yeux, tout autour de moi. « Tout est vraiment réel. »
Tic tac, je venais de te perdre une troisième fois.
Tic tac. J'ai ouvert les yeux, j'étais dans mon lit. Nous étions toujours le quinze du mois d'août, et le réveil n'affichait pas encore midi. N'était-ce qu'une chance de plus, ou bien étais-je piégé, condamné à te voir mourir de mille et une façon sans jamais pouvoir te sauver ? Étais-je donc forcé de te perdre chaque fois que j'espérais briser cette chaîne créée par la fatalité ? J'ai lâché ta main des milliers de fois, sans jamais savoir comment la récupérer. Je t'ai perdue, égarée, poupée disloquée et réparée chaque jour à la même heure. Les yeux du chat scintillaient, il était toujours là, et l'évidence avec lui. « C'est réel, bien réel. »
Tic tac, je venais de te perdre une énième fois.
Tic tac. J'ai ouvert les yeux, j'étais dans mon lit. Nous étions toujours le quinze du mois d'août, et le réveil n'affichait pas encore midi. Lassé, perdu, blessé. A quoi bon ? Je suis arrivé au lieu de rendez-vous, rien n'avait changé durant la décennie depuis laquelle j'étais enfermée dans ce cercle infini. Les mêmes balançoires, le même toboggan. La même discussion, encore et encore. Une seule différence. « Qu'y-a-t-il ? » Ta voix a résonné dans l'air, le silence s'est installé, puis j'ai souris. « Rien. » Le chat s'est enfuit, tu l'as poursuivit. Je n'ai pas tenté de te retenir. Le camion est arrivé, la bête m'a regardé, et alors j'ai compris. Tout s'est enchaîné, j'ai attrapé ton poignet et je t'ai poussée en arrière pour prendre ta place. L'engin me percuta, et ce fut l'odeur de mon sang qui emplit l'air. « Bien fait pour toi. » me chantait la chaleur étourdissante en riant. Les yeux du chat ne scintillèrent pas, l'évidence ne résonna point.
Tic tac, je venais de me perdre une unique fois.
Tic tac. Elle a ouvert les yeux, elle était dans son lit. Nous étions le quinze du mois d'août, et le réveil n'affichait pas encore midi. Elle caressait un chat blanc, au poil cotonneux, et des larmes coulaient sur ses joues. « J'ai échoué cette fois encore... » La chaleur estivale ricana, l'évidence se manifesta au travers d'un tintement de carillon, lointain. Le cercle ne serait jamais brisé. « Eh bien, tu sais, j'ai une sorte de haine envers l'été. » Jamais il ne saura pourquoi.
Tic tac, ils se perdraient encore des milliers de fois.
- Esclaves de nos vies:
Elle tournait sur elle-même, un verre à la main et un sourire aux lèvres, les yeux un peu trop brillants et les pas hésitants. Elle chantait, totalement faux, depuis près d’un quart d’heure. Il devait être aux alentours de trois heures, du matin bien évidemment, et la rousse faisait on ne sait trop quoi, pieds nus dans l’herbe, près de la maison qu’elle et le beau brun qui l’accompagnait venaient de quitter. La musique s’entendait encore d’ici, les cris et les rires aussi. La fête battait son plein, un peu trop peut-être, et les deux adolescents avaient ressenti le besoin de s’éloigner un peu. Il faut dire que la jeune fille, se prenant à moitié pour un oiseau, avait supplié son compagnon de sortir. Et maintenant ? Elle divaguait.
« Sais-tu ce qui est le plus désespérant, chez les êtres humains ? C'est qu'ils prônent la Liberté qu'ils hurlent et crient sur tous les toits et à qui veut ou même ne veut pas l'entendre, sans même se rendre compte qu'ils sont esclaves. Esclaves de la vie, et surtout esclaves d'eux-mêmes.
- Qu'est-ce que tu racontes encore, comme connerie, Enola ? lança le brun, plus blasé qu’autre chose, comme si de telles réflexions étaient habituelles, venant de l’intéressée.
- Je me fais poète d'un soir, philosophe enivrée ou psychologue de comptoir. J'ai peut-être un peu trop bu, faut croire, mais tu sais, je pense que je n'ai pas tort. Je te tiendrais certainement le même discours en étant sobre, de façon un peu moins... bancale et fourre-tout, simplement.
- T'es sûre que tu veux pas que je te raccompagne ? »
Il semblait plus ennuyé qu’autre chose, plaquant ses cheveux vers l’arrière d’un passage de sa main, observant la demoiselle, dont le haut blanc devenu transparent à force d’eau et d’alcool laissait parfois voir un bout de soutien-gorge bleu. Elle ne prit même pas la peine de répondre à la question, vidant son verre en plastique qu’elle abandonna sur la pelouse.
« Dis, Léo, t'as déjà vu un homme libre, toi ? Je veux dire, vraiment libre ? Un homme qui peut faire ce qu'il veut, sans jamais avoir à craindre que la justice se charge de son affaire ? T'as déjà vu un homme qui pourrait, par exemple, commettre un crime en ayant toute sa tête ?
- Les criminels, ce sont des barges, dit-il, attrapant son amie par le poignet pour l’entraîner à sa suite dans les rues. Et toi t'es pas encore à ce stade là mais tu deviens barge quand même. Promis juré, je ne te fais plus jamais boire !
- Mais non, regarde ton pote, Marco, fit-elle en se débattant maladroitement, espérant se défaire de la prise de Léo. Tu penses qu'il aurait avoué ses sentiments à Laura s'il n'avait pas bu, l'autre soir ? Non. Parce qu'il avait peur, il pensait pas mériter d'être aimé, il était prisonnier des préjugés, des critiques et des insultes qu'il se ramassait depuis son enfance, il était prisonnier de l'image qu'il avait fini par avoir de lui-même. Pire, il était prisonnier de lui-même. C'est ça que j'essaye de te dire, Léo !
- Tu divagues, qu'est-ce que t'y connais à l'être humain, toi ? T'as que 15 piges, Enola ! »
Elle s’arrêta, si brusquement qu’il manqua tomber en arrière. Il se tourna vers elle, sans la lâcher. Elle semblait comme… vexée ? C’était quelque chose qui y ressemblait, en tout cas. Comme si elle avait eu un éclair de lucidité au milieu du brouillard provoqué par l’éthanol dans son sang.
« Toi aussi, je te signale, et tu prétends que j'ai tort, mais rien ne te le prouve. Qui te dit que je n'ai pas raison ? On est condamnés, Léo, l'Homme est condamné, on suit une route toute tracée, on passe un quart de notre vie assis sur des bancs d'école à écouter des profs déblatérer des discours tout faits dont la moitié ne nous serviront jamais, puis on court après le moindre petit boulot pour pouvoir subsister, on travaille comme on peut puis on vieillit jusqu'à expirer dans notre lit de mort. On essaie de faire des choses différentes pour avoir bonne conscience et se dire que nous on a pas joué les moutons, mais finalement tous les chemins mènent à Rome.
- Enola, ferme-la, je te jure, tu fais pitié quand t'es comme ça. »
Elle lâcha un petit cri, un cri d’enfant capricieuse à qui on ne veut pas céder. Une enfant à l’air indécent, dans son débardeur à moitié transparent et son short déchiré, pieds nus sur la chaussée, les cheveux emmêlés et la démarche mal assurée. Léo avait meilleure allure, avec son côté ténébreux et son look détendu, tout en sweat, jean et baskets. Pourtant, ce soir là, il n’avait pas l’air des plus commodes, tant l’état de sa meilleure amie le consternait. Et celle-ci continuait, encore et encore, débitant son flots d'imbécillités qui avaient pourtant une réelle logique, dans son esprit embrumé.
« On s'en fout en fait, que tu sois d'un violeur, un pédophile, un tueur en série, un geek, un gothique, un chrétien, un juif, un musulman, un professeur d'école, un architecte ou un prêtre. On s'en carre que tu n'aies qu'un petit T2 ou une villa à vingt-cinq chambres avec piscine et terrain de golf, on s'en balance que tu sois le facteur qui nous apporte nos factures et nos colis tous les matins, ou alors le PDG d'une multinationale. Ouais, on s'en fout de tout ça, puisque l'issue sera la même. On crèvera tous, à la fin.
- Arrête de cracher sur ce monde que tu ne connais pas, maugréa Léo.
- Je ne crache pas, je constate, réplqua Enola, sur le ton de la provocation. Je te dis juste que j'ai raison, quoiqu'on fasse on finira tous de la même façon, nous sommes juste esclaves de cette vie qui n'en fait qu'à sa tête avec nous, esclaves de nos rêves, de nos désirs, de nos peurs. Sors du rang ou reste-y, de toute façon on te dira jamais merci. »
Il ne répondit rien, cette fois. Il savait que c’était peine perdue, avec elle. Elle était déjà bornée en étant sobre, alors ivre, il était certain de ne jamais obtenir le dernier mot. Heureusement, ils étaient arrivés devant le portail en fer forgé blanc qui n’était autre que l’entrée de l’endroit où vivait Enola.
« On est arrivés... enfin, lâcha-t-il, dans un soupir de soulagement. Décuve bien, philosophe du dimanche. »
- C'était la vie de:
« S'il te plait, reste avec moi. »
Il s'appelait Léo. Il venait tout juste de fêter sa majorité, d'entrer dans l'âge où l'on se contente de faire tout ce que l'on faisait à quinze ans, mais de façon légale cette fois-ci. Il était amoureux, d'une belle blonde aux yeux noisettes. Il l'aimait parce qu'elle riait, et que ses yeux pétillaient. Il l'aimait parce qu'elle aimait le chocolat chaud et pas le café, parce qu'elle préférait les lasagnes aux pâtes à la bolognaise. Il l'aimait quand elle chantait, quand elle dansait, quand elle pleurait et quand elle l'embrassait. Il l'aimait parce qu'elle s'appelait Léa, et qu'elle était son opposé.
« S'il te plait, ne me quitte pas. »
Il tenait sa main, comme si sa vie en dépendait. S'il la lâchait, que se passerait-il ? Lui échapperait-elle, s'effacerait-elle loin d'ici, loin de tout, loin de lui ? Qu'arriverait-il s'il la laissait lui échapper ? Elle était sa vie entière. Sans elle que lui restait-il, sinon la solitude et l'amertume ? Il aurait échoué, il l'aurait perdu. Il ne pouvait s'y résoudre sans tenter de la retenir. Car il l'aimait plus que tout, et surtout plus que de raison.
« S'il te plait, regarde-moi. »
Il suppliait qu'elle pose les yeux sur lui, qu'elle lui parle, qu'elle sourit et qu'elle lui dise de ne pas s'en faire, qu'elle l'aimait et que tout était oublié, que tout était du passé et qu'il fallait qu'ils restent ensemble maintenant, que plus rien ne les séparerait. Il implorait qu'elle lui rabâche leurs éternels mots d'amour, et leur promesse de toujours.
« S'il te plait, réveille-toi. »
Le bip régulier qui résonnait depuis plusieurs heures se rallongea en un bruit strident continu, ininterrompu, et il paniqua alors que le personnel médical arrivait, l'éloignant de sa fiancée sur laquelle ils s'affairaient à présent. Il entendit le son résonner dans le vide, jusqu'à ce que les machines soient éteintes. C'est ainsi, qu'impuissant, il vit celle qui faisait son bonheur s'éteindre devant lui, sans avoir eu l'occasion de lui dire un dernier je t'aime.
« S'il te plait, reviens-moi. »
Il prit sa voiture, pleurant de rage et de douleur. Il ne rentra jamais chez lui. Il était parti dans la nuit noire, fenêtres ouvertes, dans un autre temps. Il était parti pour tenir leur promesse de ne jamais se quitter. Il était parti, et le lendemain aux informations on annonça un tragique accident de voiture qui fut mortel pour le conducteur.
« S'il te plait, attends-moi. »
C'était la vie de Léo et Léa, qui avait suivit une allée de bonheur avant que le destin ne s'en mêle. C'était la vie de Léa et Léo, qui s'était achevée bien trop tôt.
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