Astrid Randall ...

         
             
       

         
             
       

Mon père et ma mère sont des gens tout à fait sain d'esprit, équilibrés. Ils ont deux enfants, un garçon, une fille, une maison. Mon père travaille, ma mère s'occupe de leur foyer, bref, ils vivent heureux.
Et puis un jour, madame veut un enfant, encore un. Mais son mari n'est pas d'accord non, pas d'accord. Pourtant, elle s'est bien débrouillée, et neuf mois après, je suis née. Deux bras, deux jambes, un petit visage rond. J'aurais pu être parfaitement équilibrée, et rentrer dans le monde merveilleux d'un foyer sain avec eux tous. Mais papa ne m'aimait pas non, papa ne me voulait pas. Alors j'ai vécu dans un endroit qui se voulait idyllique, normal. Mais comment être normale quand votre propre père vous ignore, et que votre frère et soeur vous rejette? Je n'ai rien fait moi, c'est pas moi qui ai voulu venir. Alors un jour, maman est partie avec moi, en me tirant par la main. Maman a loué un studio dans un quartier où les gens ne sont pas parfaitement sains et équilibrés, maman a trouvé un petit boulot dans un bar un peu bizarre. Maman n'a jamais voulu que je vienne la voir à son travail, maman voulait que je grandisse normalement. Et j'ai grandi, mais pas normalement. Maman se détraquait doucement, maman buvait un peu le matin, beaucoup le soir. Et puis un jour, quand j'avais treize ans, il y a eu un véritable défilé d'hommes à la maison. Jamais le même, tous différents. Et maman pouvait nous payer un peu plus de choses à toutes les deux. Et puis j'ai compris ce qu'elle faisait. On appelle ça de la prostitution . Et je lui ai dis. Maman, tu me dégoûte. Elle n'a pas compris, et puis moi aussi, je l'ai ignorée. Je ne voulais plus lui parler, plus qu'elle me serre dans ses bras. Et puis elle est morte l'année de mes quinze ans. Morte de chagrin, morte de fatigue.
Et puis papa m'a appelé. Papa s'en voulait que maman soit morte. Alors papa allait s'occuper de moi pour racheter ses fautes. Se racheter. Prostitution. définitivement, ils avaient un problème avec l'argent. Quoi qu'il en soit, je suis rentrée dans ce foyer parfaitement sain et équilibré, avec des cheveux roses. Ça n'a pas vraiment plu, pourtant, le rose, c'est la tendresse, l'amitié! Nous avons un peu vécu ensemble, mon père, mon frère, ma soeur. Mais je gênais. Ils me gênaient. Alors papa, au bout de quelques mois, m'a acheté un studio, pas loin d'un lycée. Un lycée banal, et pourtant, tellement de gens différents y entraient! Alors, dans un ultime recours, papa m'a inscrite dans ce lycée, puis a coupé les ponts. Il est mon tuteur légal, pas mon père. Et c'est tant mieux.
C'était mon histoire en générale, mais vous ne connaissez pas encore beaucoup de moi. Malgré mon entourage, j'ai connu des amourettes éphémères, des fêtes, des moments joyeux et stupide dans ma vie. Quand ma mère allait mal, je fuyais son existence, j'errais dans la rue, parfois même, j'assistais à des concerts de musique. Pas n'importe quoi non, de la bonne musique. Un véritable engouement pour le punk rock, c'était merveilleux. Quand je suis rentrée chez mon père, il m'arrivait aussi de faire le mur pour y aller, quoi de mieux? Mais je suis toujours un peu sage, je rentre toujours à la "maison"...
Et puis, mon péché mignon... Ce n'est pas commun chez une fille de mon âge, mais le whisky... C'est peut être l'une des choses en laquelle j'ai le plus confiance. C'est bizarre, mais j'aime. Je n'en bois que très peu. C'est un plaisir unique et stupide, très rare.