Nikolaï Beliakov, présent.

             

             

Une bonne enfance, je suppose que c’est ce que j’ai vécu. A vrai dire, nous n’avions jamais eu de problèmes financiers et mes parents s’entendaient très bien. Tellement bien qu’ils avaient déjà eu trois enfants avant moi. Etant le petit dernier, mes aînés s’amusaient constamment à me rendre la vie dure. Ma mère, une femme particulièrement vigilante, me mettait constamment en garde des aléas de la vie, des éventuelles rencontres nocives dans la rue ou encore des conséquences que pouvaient causer mes actions. Et c’est d’ailleurs sur tous ces points que mes frères et sœurs jouaient. « Quoi ? Ton camarade de classe est malade ? Mais c’est ta faute ! Tu ne lui avais pas dit bonjour hier ! », « Heeein ? C’est toi qui n’avais pas éteint la télé hier ? Donc c’est à cause de toi si Papa est à l’hôpital ! », « Oh mon dieu, tu commences à perdre tes dents. C’est parce que tu ne te les brosses pas bien », « J’ai raté mon permis... Comment? Nikolaï a perdu le bouchon de sa colle ? Tout s’explique maintenant ! » Des exemples parmi tant d’autres. Et pourtant, j’y croyais dur comme du fer. Longtemps je culpabilisais, pensant réellement que j’avais commis des choses graves. Ce ne fut que très tard qu’ils m’avouèrent que je n’avais rien à voir dans tout ça, vers 15 ans. Quand j’y pense, c’est quand même fort. Comment pouvais-je toujours croire à 15 ans que j’étais vraiment coupable ? C’était aberrant. Enfin, autrement j’avais eu le droit aux coups classiques : Araignées dans le lit au réveil, frère caché derrière le bureau ou dans l’armoire au plein milieu de la nuit et même le coup du "Hé Nikolaï vient voir la vidéo, elle est trop drôle (pour de vrai j'te montre un truc trop flippant) !". Je suppose que ma famille est responsable de ce que je suis devenu maintenant. Je ne sais pas si tout cela était censé me forger, m’apprendre la dure vie d’homme, mais on peut dire que ça n’a pas été le cas, qu’au contraire, ça m’a fragilisé. Mais pour être honnête, je ne leur en veux pas. J’estime que ça fait toujours d’intéressantes anecdotes à raconter...
Lorsque je suis entré au lycée, ils continuaient à me taquiner gentiment, mais rien de bien méchant, chacun étant occupé de son côté. Ma vie n’avait rien de bien passionnant, je fréquentais les bancs du lycée, comme la plupart des adolescents de mon âge. Un jour, mes parents vinrent me voir et m’annoncèrent qu’une année à l’internat ne me ferait que le plus grand bien, qu’elle me permettrait de m’ouvrir davantage aux autres et d’avoir confiance en moi. C’est donc sans protestation que je fus envoyé dans un banal lycée, loin de chez moi. Mais à vrai, j’aurais probablement dû en faire. Changer d’établissement n’est jamais une chose facile, et encore plus lorsqu’il s’agit de la dernière année.