[Abandonné][Rues]Fleurs et souvenirs [pv nathan]

Ce week-end,  le vent soufflait comme d'habitude et les arbres avaient la même forme qu'hier.
Les rues étaient construites de la même façon que quand elle était arrivée au pensionnat.  Toutes les personnes autour vivaient leur quotidien et pourtant c'était un jour spécial pour Louna. C'était le jour où elle avait perdu le peu qu'elle avait : ses parents.
La rousse se leva doucement, et s'assit sur son lit. Elle n'avait pas la tête pour faire des maths aujourd'hui, trop de souvenirs viendraient la déranger.
Peut-être devrait-elle sortir en ville pour s'aérer ?
Par la fenêtre on voyait le vent tordre les branches des arbres sous un ciel bleu rosé. Oui, c'était un bon temps pour se balader à l'extérieur, Louna aimait la brise froide et la lumière blanche de l'hiver.  
Elle s'habilla un peu différement pour distinguer elle-même ce jour d'un autre. C'était une sorte de rituel qu'elle faisait depuis sept ans maintenant. Elle prit une jupe courte orange pêche et des bas noirs, avec des ballerines noires également. Un chemisier rouge brique et une écharpe du même orange que la jupe feraient l'affaire. Pas besoin de veste ni de collants, elle n'aurait pas froid même comme ça. Elle s'engouffra dans la salle de bain pour ressortir quelques minutes plus tard avec en prime les cheveux attachés en chignon.


La ville était assez animée en période de fêtes, et Louna cherchait en vain un endroit un peu calme. Elle n'aimait pas ce jour, parce que pas mal de souvenirs de son enfance lui revenaient, alors qu'en temps normal elle arrivait à les repousser à l'aide des cours et du travail, en se concentrant sur autre chose. Les rues décorées et lumineuses par exemple, sa mère en faisant toujours une merveille et traînait souvent sa petite fille avec elle pour admirer les luminons et les guirlandes.

-"tu restes trop souvent enfermée dans ta chambre à lire Louna ! Sors un peu plus ! C'est la période la plus jolie de l'année non ? Oh regarde un fleuriste ! Viens, allons acheter un bouquet pour la table de Noël "

Sa mère répétait ce petit jeu année après année, chaque Noël avait droit à un joli bouquet sur la table.
C'est en se remémorant ces souvenirs que Louna arpentait les rues sans trop les voir.
Sa mère adorait les fleurs, et aller en acheter chez le fleuriste avec sa fille était son plaisir adoré. Louna s'arrêta instinctivement devant une boutique un peu plus colorée que les autres et regarda l'insigne.

-"Un...fleuriste ? " murmura-t-elle doucement.

Elle s'approcha un peu plus des étalages et fini par se planter devant la vitrine, les yeux perdus dans toutes les plantes qui s'y trouvaient. Elle avait l'impression d'être retournée dix ans en arrière, sauf que sa mère n'était plus là à ses côtés pour louer la beauté des roses et la douceur des ancolies. En plus Louna ne connaissait absolument rien en botanique, c'est donc avec difficulté qu'elle déchiffrait les noms des différents bouquets.

La vitrine était remplie de décorations lumineuses et de sapins de Noël, mais derrière, on voyait dans la boutique des étalages de bouquets colorés minutieusement assemblés.
C'était une chose que la jeune intellote n'avait pas l'habitude de contempler, elle n'aimait pas particulièrement les couleurs vives et voyantes et préférait se fondre dans la masse, et puis de toute façon elle ne sortait pas souvent le nez de ses bouquins. Les fleurs et plantes ne l'intéressaient pas, elle préférait la compagnie d'un livre. Et si elle devait parler à quelqu'un, elle préférait parler à un livre qu'à une plante. Elle soupira et allait se décider à rentrer à l'internat quand une voix l'interpella :

-"Bonjour mademoiselle, je peux vous aider en quoique se soit?"

Louna regarda surprise le vendeur qui venait de lui parler. L'homme était grand, beaucoup plus grand qu'elle, il avait des cheveux noirs tirés en arrière et était vêtu simplement, avec un tablier.  
Il était mignon mais Louna ne pensait pas à ce genre de choses (ou du moins elle évitait), elle pourrait donc juste l'ignorer comme à son habitude. Mais aujourd'hui était un jour spécial, elle s'était habillée spécialement alors elle pouvait bien aussi agir d'une autre façon qu'au quotidien. Pourquoi ne pas discuter un peu avec le fleuriste ? Mais elle n'avait pas l'habitude de mener des discussions normales sur  le beau temps et les rumeurs de la rue. Il allait la prendre pour une folle.... Perdue dans ses pensées, elle se rendit compte que l'homme attendait sa réponse depuis un bon moment et un peu gênée, décida d'improviser totalement.

-"Eh bien...bonjour...je...regardais les bouquets au fond là..." Louna pointa du doigt un étalage au pif.

*J'aurai pu choisir mieux* pensa-t-elle en regardant l'étalage qu'elle venait de désigner.

Les bouquets étaient trop multicolores à son goût, une ou deux teintes différentes suffisaient non ? Pourquoi les fleuristes ont-ils toujours besoin de faire des arcs en ciels ? Louna soupira à nouveau....sa mère lui aurait encore sorti des absurdités sur la beauté des plantes qui rend les gens heureux ou je ne sais quoi d'autre... sa mère...
Son visage souriant lui revient à l'esprit, se mélangeant à celui ensanglanté de son lit de mort. C'était le genre de souvenir qu'elle ne pouvait pas refouler aujourd'hui. Louna aurait voulu se prendre la tête entre les mains et sortir du magasin en courant, mais elle s'en empêcha du mieux qu'elle pu. Garder un air neutre avec une telle tornade à l'intérieur était décidément impossible. Elle releva la tête et laissa couler une larme en se maudissant en pensées.

*Enfin, une fleur suffirai non ? Juste une seule...une rouge, ou une orange...cela marquerait l'évenement. Ah non mais attends....*

Louna fouilla rapidement sa poche...le vague souvenir de son porte-monnaie posé sur sa table de chevet l'effleura, elle ne l'avait pas pris, ne pensant pas acheter quelque chose et elle n'avait pas un sou....
Les yeux vides de la rousse regardèrent le vendeur avec une faible lueur de désespoir.

*...mince, j'ai l'air de quoi maintenant ...une mendiante ? qui demande une fleur en pleurant ? *

Le seul bon point que Louna arrivait à percevoir, c'est que le fleuriste semblait gentil et compréhensif. Il lui répondit l'air inquiet :

"Ne vous mettez pas dans un état pareil mademoiselle, vous savez j'en ai plein des fleurs alors je peux bien vous en donner une."

Elle écarta un peu ses mains de son visage pour le regarder d'un air étonné avec ses yeux rougis et se calma un peu. Lui en donner une ? Etrange....elle avait presque oublié que les personnes autour d'elles n'étaient pas toutes bêtes et méchantes. Elle réussit à articuler quelques mots d'une voix faible :

-Ah...c...c'est vrai ?

Est-ce parce que la rousse fixait cette rose blanche depuis tout à l'heure, ou bien par pur hasard que l'homme alla choisir cette fleur là spécialement, pour la mettre dans les mains de la jeune fille ? Louna n'en savait rien... Il lui dit en souriant :

"-Et voilà pour vous ma chère, je vous la donne j’espère qu'elle vous plait? Mademoiselle?"

Sur le coup elle ne sut plus si elle pleurait de joie ou de tristesse. Mais le fait est que la douleur s'apaisait légèrement à la vue de cette fleur qui tenait dans ses mains. Elle resta un bon moment toujours immobile à fixer la rose, les larmes coulant plus lentement sur ses joues, l'esprit à moitié abasourdit....puis elle se rappela qu'il fallait qu'elle remercie le fleuriste qui avait sacrifié un de ses beaux spécimens pour elle et murmura :

-Je...merci, c'est gentil de votre part, elle est magnifique !

Sur ces derniers mots, elle réussit à afficher un grand sourire sans savoir pourquoi. Sourire pour une fleur ? Elle se tuera pour avoir fait une telle chose vide de sens quand elle reprendra ses esprits..... De toute façon, rien de ce qui venait de se passer n'avait de sens... elle était simplement perdue.
Elle sentit soudain des mains se poser sur les siennes et regarda le vendeur qui s'était rapproché d'elle.

" -Vous savez si vous avez besoin d'en parler à quelqu'un je peux vous écouter, bien que je suis qu'un fleuriste inconnu, mais peut être qu'il est plus facile de parler ainsi."

Parler ? Il fallait pour cela trouver des mots pour décrire la douleur qui la traversait. Elle n'avait jamais parlé de ses émotions à qui que ce soit. Enfin...c'était peut-être parce qu'elle n'avait jamais eu quelqu'un à qui parler de cette façon. Peu importe, elle avait autant envie de quitter la boutique en courant par peur et par lâcheté, que de raconter toute sa vie au fleuriste. Seulement partir dans une telle situation serait un manque de respect pour lui, alors qu'il s'était donné tant de mal pour la consoler.
Elle sécha ses larmes autant qu'elle pouvait et lui répondit doucement :

-Je ne sais pas quoi vous dire...j'ai mal parce que la mort m'a enlevé les deux seuls êtres qui tenaient à mes yeux. Elle n'arriva pas à en dire plus et se renferma dans son silence, n'osant même plus regarder son interlocuteur.

Elle finit enfin par lui dire :

"-Dans tout les cas, vous êtes une personne bien, c'est gentil de vouloir m'aider...

C'était étrange, gênant et en même temps apaisant de parler de ses problèmes avec quelqu'un qui semblait vouloir bien les écouter. Louna avait pris l'habitude de refouler tout ce qui lui faisait mal sans jamais en parler aux autres. De toute façon elle parlait peu en général.
La plupart des gens ne l'aimaient pas et c'était réciproque donc il n'y avait pas de problème.
Mais là c'était beaucoup trop tard pour faire marche-arrière. Le vase était trop plein, il fallait le vider sans trop attendre.
Le fleuriste dit que c'était tout naturel de l'aider et se présenta :

"-Je suis Nathan Kliesen enchanté mademoiselle."

*Nathan Kliesen? Il n'est pas d'ici lui non plus apparement* pensa silencieusement la rousse.

"-Je m'appelle Xal Louna, je suis du lycée, enchanté". répondit-elle machinalement.

Louna s'affala sur la chaise les bras pendants et fixa le plafond avec ses pupilles vertes. Les larmes étaient parties. Tant mieux, elle aurait peu être l'air moins ridicule comme ça.
Elle avait envie de parler. Pas forcement de sa douleur, mais juste parler.
Et alors elle lui parla, elle lui parla de sa famille, de ses parents décédés, du tueur psychopathe qui les avait massacré avec tant d'autres victimes innocentes. C'était la preuve de l'injustice qui règne dans ce monde pour elle. Elle raconta aussi toutes les tentatives des ses parents pour faire d'elle une fille modèle, des poupées et mignonnes peluches offertes qu'elle avait délaissé dans un coin de sa chambre pour faire plus de place aux livres et aux cahiers.
Puis ensuite, des nuits blanches qu'elle avait passé à étudier la science des nombres pour oublier, oublier son abominable tante et tutrice, oublier sa douleur, oublier le vide laissé par ses parents. Elle lui dit que les maths lui permettaient de tout oublier et que c'était pour ça qu'elle les aiment tant.
Nathan ne devait pas être intéressé par la moitié de ce qu'elle disait mais ça lui importait peu désormais. Il écoutait s'il le voulait, sinon eh bien, elle comprendrait très bien qu'une personne comme elle ne devait pas être très intéressante. Au point où elle en était, être triste parce personne ne voulait l'écouter n'était même pas un problème.
Quand elle ne trouva plus rien à dire, elle se rendit compte qu'elle était très fatiguée et que ses yeux se fermaient tout seuls. Elle n'aurait jamais cru que parler serait autant éprouvant, sa gorge était sèche et les idées n'étaient plus très claires dans sa tête. C'était dommage parce qu'elle aurait bien voulu poser des questions au fleuriste, sur son métier où sur sa vie, où juste sur sa boutique. En fait elle avait encore envie de parler mais son corps et son cerveau ne suivaient plus trop. C'était une des première fois de sa vie qu'elle parlait autant, en si peu de temps et en plus à une personne qu'elle venait juste de rencontrer.
Louna lâcha un long soupir et tomba dans un demi-sommeil embrouillé, les paupières à moitié fermées, en attendant la réaction de son interlocuteur.